"Orthodoxie occidentale, orthodoxie française" de mgr jean de st.denis

Mgr Jean de st Denis, évêque de l'Eglise Orthodoxe de France
Mgr Jean de st Denis, évêque de l'Eglise Orthodoxe de France

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen !

Mes amis, permettez-moi de faire un genre de confession, une mise au point de l'œuvre que je dirige et à laquelle vous collaborez - c'est-à-dire l'Orthodoxie occidentale, l'Orthodoxie française - de ce qu'humblement j'essaie d'apporter à cet effort admirable et de ce qu'il peut produire dans l'avenir si nous suivons la volonté divine.

L'Orthodoxie occidentale, l'Orthodoxie française ! Elle se définit par ces deux mots : «orthodoxie» et «occidentale» ou «française». Le premier terme: orthodoxie, qu'est-ce à dire ? Est-ce quelque chose d'anti-romain, d'anti-protestant ? Non. Ce n'est rien de «contre », car être «contre» serait un esprit de schisme.

L'Orthodoxie, mot étrange qui couvre une réalité merveilleuse. L'Orthodoxie, c'est la source de toutes les Églises, l'Église elle-même comme mère des autres Églises; ce n'est pas un retour artificiel vers le passé, mais la présence de cette source dans les temps actuels.

L'Orthodoxie, prédominance de la vie chrétienne sur la doctrine abstraite, non qu'elle ne nous instruise - elle nous instruit « à temps et à contretemps» - non qu'elle laisse de côté l'intelligence - elle la nourrit par la connaissance de la théologie et fortifie notre volonté - mais au-dessus de la connaissance abstraite, l'Orthodoxie, à l'image de l'Église indivise des premiers siècles ou de l'Église tout simplement, est la vie dans cette Église et dans l'Esprit-Saint.

Étrange Orthodoxie, étrange Église primitive présente dans les temps actuels. Elle ne contraint personne et pourtant l'on s'attache de telle manière à sa vérité qu'aucune épreuve ne peut nous en détacher, nous en arracher. Pourquoi ? Parce que dans les autres formes confessionnelles, on est lié à la confession par logique humaine, par intérêt spirituel, par contrainte et même par crainte d'être perdu - hors de l'Église, point de salut. On adhère à quelque chose en dehors de soi. Le mystère de l'Eglise des premiers chrétiens, de l'Orthodoxie de tous les temps, réside dans le fait qu'on est plus que l'on ne s'accroche. J'ai connu des gens qui, ayant beaucoup souffert dans leur vie, subi de nombreuses attaques d'incompréhension de la part des orthodoxes, ne pouvaient cependant extraire leur attachement à l'Orthodoxie, sentiment qui pourrait être comparé à l'attachement au sol, à la patrie. Lorsqu'on est orthodoxe, on l'est organiquement, parce qu'on devient « Corps du Christ » non du point de vue belle organisation ou fierté d'appartenir à une immense Eglise, ou parce que nous nous sentons forts en elle, mais parce que nous sommes «chair de sa chair, os de ses os». Quand Adam vit Ève, il s'écria : «Voici la chair de ma chair, l'os de mes os !» L'Eglise du Christ, que l'on nomme maintenant «orthodoxe», répond au Second Adam : «Nous sommes la chair de ta chair, l'os de tes os». Nous sentons par l'Orthodoxie, unité tout intérieure, couler dans nos veines le sang de la Vierge.


L'Orthodoxie : certes, où est la lEvangéliaire de Charlemagne - La fontaine de Vieiberté sont parfois les difficultés, les disputes, les incom-préhensions, mais aussi l'union intérieure, semblable à celle d'un enfant attaché aux entrailles de la mère. L'Orthodoxie nous fait entrer dans les entrailles maternelles de l'Eglise que le Christ a rachetée de son Sang. Et voilà pourquoi nous n'avons pas, dans l'Orthodoxie, ce terrible conflit qui déchire tant de consciences, conflit entre l'Eglise et la science, l'Eglise et l'Etat, l'Eglise et notre conscience. Quelle en est la raison ? Lorsqu'il y a conflit, cela montre que l'Eglise n'est pas inscrite organiquement en nous. S'il se dresse un conflit entre l'Eglise et ma conscience, l'Eglise et mes convictions politiques, son enseignement et mes aspirations spirituelles, initiatiques ou scientifiques, c'est qu'elle n'est pas encore devenue chair de ma chair, os de mes os, qu'elle demeure extérieure à moi, s'imposant comme une autorité et une doctrine extérieures. L'enseignement de l'Eglise orthodoxe est différent ; il nous introduit dans les Mystères par la liturgie et la prière, par notre entrée dans la communauté et l'entrée dans sa vie.